Press
Mitzpah "Lonesome Harvest"
GonzaÏ
Mitzphah, enfant perdu du supermarché punk français
- POSTED ON
13 JUIN 2022PARBESTER
L’histoire de la musique est peuplée de bouteilles à la mer qui mettent des années à remonter à la surface. Celle du batteur des Stinky Toys et de Mathématiques Modernes, Hervé Zénouda, aura mis 40 ans à arriver à l’expéditeur, mais son contenu est bien chargé : l’album « Lonesome Harvest: Re – enactment N°1 », débuté en 1981, au carrefour entre la mort du punk et de la naissance du Mitterrandisme, et finalement publié en 2022, est un magnifique brouillon à la fois définitif et inachevé qui sonne comme un échos aux aventures new-yorkaises de Lou et quelques autres.
Un gros lecteur à K7 sur lequel on appuierait compulsivement sur les touches avance rapide et marche arrière ; voilà en résumé à quoi pourrait ressembler une partie de plus en plus importante de l’histoire du rock. L’édition imminente de démos inédites de Lou Reed chez Light In The Attic (« Words & Music, May 1965 », sortie le 26 aout prochain), majoritairement enregistrées dans l’appartement mal insonorisé de Reed, en compagnie du futur Velvet John Cale, en est le dernier exemple ; le plus saillant sans doute, de la fascination exercée par le squelette, l’esquisse, le pointillé pas encore relié qui laisse deviner à quoi ressembleront des titres comme I’m waiting for the man ou Heroin.
Mais il n’est pas forcément nécessaire d’avoir fait une carrière outre-Atlantique, ni d’avoir été imbuvable tout du long en sabotant la dernière ligne droite jusqu’à crever d’une mort très conne (une complication de greffe du foie pour Lou, qui aurait « fêté » ses 80 ans en 2022) pour revenir du passé avec des titres préhistoriques. Plus près de nous, à cinq arrêts de métro, c’est aussi l’histoire d’Hervé Zénouda, batteur du gratin punk et after-punk français (Stinky Toys, Guilty Razors, Mathématiques Modernes) ; un homme qui dès le début des années 80, sentant que la fête est finie, se met en tête de voler de ses propres ailes pour un hypothétique premier album qui va mettre 40 ans à voir le jour.
Démos de minuit
Fasciné par New York et le bruit qui y secoue les murs, de Television aux Feelies, Hervé rêve de s’exiler quand tant d’autres continuent, dans une grande désespérance, à rêver d’un lendemain pour le punk parisien. Ce sera sa grande chance, autant que son grand malheur. Par la beauté d’une rencontre improbable avec Gregory Davidow, leader éphémère du groupe art-punk hongrois des Spions, voici Mitzpah formé. Entre Paris et New York, un destin se dessine. Mais tout est rapidement gommé ; les démos peinant à convaincre qui que ce soit que le duo peut rivaliser avec Téléphone ou les Rita Mitsouko. C’est-à-dire que Mitzpah ne joue pas vraiment dans la même catégorie : pas de tubes, peu de connexions, le bateau prend l’eau et Zénouda repart avec ses chansons sous le bras, oubliant son grand projet pour se diluer peu à peu dans des disques de seconde division Discogs tout en écrivant des musiques pour des courts-métrages et des CD-ROM.
L’ombre d’Andy
L’injustice étant parfois bien faite, il arrive qu’on cogne la malle d’un trésor avec un simple coup de pioche. En 2020, le label Pop Supérette entreprend de (re)donner vie à ces chansons mortes-nées. « Hervé est un ami que j’avais rencontré pour un projet sur les Stinky Toys (à paraître à l’automne, Ndr) explique Pierre Søjdrug du label toulousain, il avait ces démos, pas suffisamment bonnes pour être sorties comme ça, mais qui ressuscitaient une parfum de 1978 que j’ai connue à Paris. La nécessité d’inventer une modernité en rupture avec les clichés pop anglo-saxons ».
Le fait d’évoquer Reed en amorce de ce papier est tout un hasard : alors qu’on aurait pu craindre un reboot raté avec un vieille légende du punk bégayant ses fondamentaux sur un album mal photoshopé excitant mollement les anciens combattants du Rose Bonbon, « Lonesome Harvest », ré-enregistré par Zénouda avec la majorité des musiciens d’époque, sonne comme une étonnante bouffée d’oxygène. Des comptines insouciantes, un parfum low-fi, une voix imparfaite qui rentre dans les os, quelques chansons comme Pardon qui renvoient au traitement des guitares à l’intersection 70-80, mais lavées de toute la ringarditude parce que son auteur, plutôt que de lorgner vers Belleville, regardait dès 1981 vers Manhattan. Ce regard vers le haut, dans une uchronie martienne, donne à « Lonesome Harvest » comme un air du « Songs for Drella » de Reed et Cale, pourtant enregistré 9 ans après le début de l’album inachevé de Zénouda. Et c’est d’autant plus difficile de ne pas penser à Lou Reed qu’Andy Warhol est cité dès le premier titre.
D’autres fantômes viendront s’agglomérer, comme ceux de Rowland S. Howard sur le sublime Notre Dame, ou même celui du Français oublié Maxim Rad (signé chez feu Motors) sur Penal Servitude. Dit autrement : cet édifice ayant mis 40 ans à sortir de terre, loin d’être un tombeau, exhume sec son cortège de légendes d’un temps oublié, offrant ainsi à l’ancien batteur des Stinky, si ce n’est une sortie de prison, du moins une réhabilitation méritée, et d’autant plus sublimée par la pochette réalisée par Loulou Picasso du collectif Bazooka.
Rares sont les punks français, ou qualifiés comme tels, à avoir bien géré leur survivance, leur mort voire même leur postérité. Avec ce document d’époques au pluriel, c’est une autre notion du temps qui est offerte à l’auditeur. Comme quoi, même sans timbre, certaines lettres peuvent arriver aux bons destinataires pour peu qu’on relève correctement le courrier.
Mitzpah // Lonesome Harvest Re-enactment N°1 ( Paris 1981) // Pop Supérette
https://mitzpah.bandcamp.com
BuzzOnWeb
Buzz on web
mercredi 4 mai 2022
mitzpah : hervé zénouda et grégory davidow, plus qu’un disque, une œuvre artistique
Par Franco Onweb
Ce qui va suivre est plus qu’un simple disque, c’est le témoignage d’une époque et d’une amitié. Celle qui unit depuis plus de quarante ans Hervé Zénouda et Gregory Davidow ! Le premier fut le batteur des mythiques Stinky Toys et par la suite il installa son kit de batterie derrière pleins de groupes et artistes. Il fut l’un des musiciens les plus reconnus, et des plus importants, de la scène des jeunes gens modernes avant de s’aventurer dans les musiques expérimentales. Le deuxième, Gregory Davidow, fut un des premiers punk du bloc de l’Est. Refugié à Paris au début des années 80, il s’immerge dans la scène parisienne avec son groupe Spions auquel participe Hervé. Ce fut le point de départ de cette aventure musicale et culturelle.
Les deux s’étaient promis de continuer cette aventure, malgré le fait que Grégory avait déménagé au Canada. Il aura donc fallu quarante ans pour que les chansons d’Hervé et Gregory voient enfin le jour. Attention il ne s’agit pas ici d’un projet avorté d’une époque lointaine mais au contraire un disque moderne et plein de talents, celui de deux artistes complets. Pour ce faire les deux compères ont bénéficié de l’aide musicale de Yann Le Ker, l’ex Modern Guy et compagnon de route depuis fort longtemps qui a mis tout son talent pour la réalisation de ce disque, du merveilleux label Pop Supérette de Toulouse qui a accompagné ce disque, de agnès b. pour son soutien et de Loulou Picasso qui a réalisé, avec son talent habituel, le graphisme de ce projet hors du commun. Depuis quelques années, je suis en contact avec Hervé Zénouda et il m’avait promis de me raconter l’histoire de Mitzpah. On s’est donc parlé un mercredi matin printanier. Grégory étant toujours au Canada, il a répondu à quelques questions à la fin de cette interview par écrit. Voici donc l’histoire d’une œuvre qui aura mis quarante ans à pouvoir être offerte au public !
Loulou Picasso
On parle de la genèse de ce disque ? Il est né comment ?H.Z. : De ma rencontre avec Grégory, qui était réfugié politique en France. Il travaillait ponctuellement dans une société de communication en bas de mon appartement et il m’entendait jouer de la batterie toute la journée. Il est monté me voir pour me proposer de jouer dans son groupe Spions. Après un premier 45 tours très punk chez Barclay (“Russian Way Of Life“/”Total Czecho-Slovakia” (Egg, 1979)), il a fait un album avec le groupe Artefact (groupe parisien, NdlR) chez Dorian Record, dans lequel j’ai joué de la batterie. J’avais aussi un projet de disque personnel sur des paroles de Loulou Picasso et d’Olivia Clavel (membre du collectif artistique Bazooka, NdlR). Dans ce projet, je voulais un chanteur différent pour chaque morceau. J’avais donc proposé à Grégory de chanter sur un titre. Mais c’est à l’été 1981 que l’on a commencé à travailler sur les chansons qui sont devenues le disque de Mitzpah plus de quarante ans plus tard…(Hervé Zénouda au début des années 80 – Droits réservés)
Vous vous êtes donc souvent croisés ?
H.Z. : En quelques années, on a eu trois ou quatre projets communs… J’ai été très impressionné par Grégory, son parcours, son apport sur mon travail …. C’était un regard très différent de ce que je connaissais du rock parisien. Il était l’héritier d’une autre culture, d’une autre tradition… Il m’a vraiment ouvert sur l’art contemporain, la performance. Il était un représentant de l’intelligentsia, de l’avant-garde artistique d’Europe centrale et cela a été vraiment important pour moi.
Hervé, tu as été le batteur de la scène parisienne de la fin des années 70 et début 80 ?
H.Z. : Oui, j’ai fait partie de la génération pré-punk. On a commencé assez tôt, on était très jeune. C’est parti du lycée Charlemagne dans le Marais à Paris, qui était, à l’époque, un quartier populaire. Il y avait dans ce lycée, Pierre Goddard (1984, Suicide Roméo Ndlr), les frères Boulanger (Métal Urbain Ndlr), Denis futur Jacno, et moi, avec Elli pas loin dans le lycée de filles du quartier. Je ne sais pas pourquoi, tout s’est passé autour de ce lycée. On a commencé vers 1974, 1975 et émergé avec la première vague punk. On a joué au « Colloque de Tanger » à Genève avec Patrick Eudeline autour de William Burroughs en 1975 avec Pierre Goddard et les frères Boulanger. Après on a fait Loose Heart toujours avec Pierre et aussi Pascal Régoli d’Angel Face à la basse. Groupe dans lequel j’étais vraiment investi. Quand le groupe s’est séparé, j’ai rejoint les Stinky Toys au départ par amitié. On avançait dans le même temps que le mouvement punk, on n’était pas des suiveurs, on était dans le même temps que Clash et les Sex Pistols.
Vous avez commencé à travailler ensemble, avec Gregory, vers 1981 ?
H.Z. : En 1981 c’est le projet Mitzpah qui prend forme mais pas sous ce nom. J’avais participé au disque « the Party » en 1979. Pendant deux ans, on s’est tourné autour sans que rien ne prenne forme. « The Party », avec Artefact, c’est un très bon disque dont je suis fier. Avec le deuxième album des Stinky Toys, le 45t des Guilty Razors, l’album de GYP et celui de Mathématiques Modernes, ce sont les disques dont je suis le plus fier, à la fois pour mon apport à la batterie mais aussi évidemment pour ces musiques que je trouve remarquables.
(Grégory Davidow à Paris, début des années 80 – Droits réservés)
Le disque de Mitzpah est un disque de son époque : c’est la rencontre d’un artiste et d’un musicien.
H.Z. : Oui mais c’est aussi un croisement Est – Ouest vraiment intéressant. Gregory a un côté conceptuel passionnant. Il est dans les jeux de symboles qui peuvent paraître parfois austères et abstraits. Il a aussi un aspect politique avec lequel il travaille. Les punks jouaient avec les symboles politiques, parfois nazis, et il a été mal perçu parce qu’il a aussi joué avec ça : la faucille et le marteau, la croix gammée, l’étoile juive… Moi, je suis plus dans l’émotionnel. Pour moi, mon apport dans le projet Spions était d’amener quelque chose de plus humain et de moins idéologique. C’était un croisement entre l’Europe Centrale et la New Wave. Cela aurait pu fonctionner, il chantait en anglais avec des paroles vraiment brillantes et une vraie vision.
En 1982, Hervé, tu pars à New York alors que Gregory part au Canada. Vous étiez loin l’un de l’autre ?
H.Z. : Cela n’a effectivement pas arrangé les choses. Ce projet a changé mon parcours. Quand Grégory a quitté la Hongrie, il devait juste s’arrêter à Paris pour Londres mais il a perdu son passeport, eu quelques problèmes administratifs et est resté en France. Au bout de quelques années, il a pu émigrer. On devait se retrouver à New York mais là encore, il a été bloqué à Toronto et on n’a jamais pu finir le disque. De mon côté, j’étais en phase avec la première génération des punks new yorkais et j’ai eu du mal avec la pop française du début des années 80. Je n’arrivais pas à me projeter. J’étais très rock avec quelques influences de jazz et de musiques expérimentales et je ne me voyais pas comme musicien de studio pour la variété française. Je voulais jouer ma musique. Le projet avec Grégory avait une vision mais à Paris je n’y arrivais pas. En tant que batteur sur des disques qui avaient eu du succès, j’avais des rendez-vous avec des maisons de disques importantes mais ils pensaient que j’amènerais un sous « Amoureux solitaires » alors que j’arrivais avec quelque chose qui n’avait rien à voir et qui n’était pas très français… Même si avec le temps je me rends bien compte que ce n’est évidemment pas donné à tout le monde d’avoir la légèreté de la pop… (rires)
Vous aviez fait des maquettes à Paris ?
H.Z. : Oui, une au studio de maquettes de Polydor derrière la place Clichy où on avait enregistré là-bas avec les Guilty Razors, et aussi fait des maquettes du second album avec les Stinky Toys (maquettes qui devraient faire l’objet d’une sortie en 45t trois titres chez Pop Supérette prochainement). Polydor m’a fait faire deux morceaux avec Yann Le Ker à la guitare, Jean François Coen à la basse et Fred Versailles aux claviers. Les bandes ont été refusées. Dorian, le label, m’a aussi fait faire un morceau dans un autre studio mais rien n’a abouti !
« In Andy Warhol Factory (eight days a week) » (Mitzpah 1981, 2022)
Tu pars à New York, où tu trouves ton son. Quand tu arrives là-bas, ta musique va changer. Tu t’es senti à l’aise dans cette ville, parce que selon moi il y a trois artistes auxquels on peut ramener ce disque : Tom Waits, Leonard Cohen et Tom Verlaine à qui le disque est dédié.
H.Z. : Ma musique a changé à New York mais sur d’autres aspects. J’ai toujours été plus sensible à la musique américaine qu’à la musique anglaise même si j’ai beaucoup aimé Subway Sect ou les Sex Pistols. Très tôt j’ai découvert, grâce aux enregistrements cassettes des concerts que ramenait Michel Esteban (du magasin Harry Cover et créateur du label ZE Records) de ses séjours New-Yorkais, les Talking Heads ou Télévision que j’aimais beaucoup. J’adorais aussi le Velvet Underground, les Stooges et les Modern Lovers. Cette influence américaine a donc toujours été présente pour moi. Mon choc esthétique, quand j’étais à New-York, c’est plutôt avec Glenn Branca et son orchestre de guitares électriques que je l’ai eu, la naissance du Art-rock… Pour Leonard Cohen et Tom Waits, cette proximité n’était pas présente à l’époque et est apparue surtout à cause de la voix actuelle de Gregory qui est devenue plus grave, plus profonde et éraillée. C’est aussi le côté littéraire de ses paroles qui pourrait renforcer cette proximité. Quant à Tom Verlaine, il a toujours été une influence très forte pour moi et je le réécoute beaucoup depuis quelques années.
Mais on pouvait s’attendre à un disque de « jeunes gens modernes », un truc un peu post-punk, new-wave. Là, il y a du rock, du blues, de la pop, du jazz. C’est un disque profond, loin de ce que peut être la pop.
H.Z. : Cela a été mon problème ! Après le punk et la new-wave j’ai eu beaucoup de mal à trouver ma place dans la pop, new-wave variété française avec ce côté néo-yéyé. Je voulais vivre le présent et non un fantasme des années soixante vécu dix ans plus tard. Le projet avec Gregory était tout sauf ça ! Et c’est dans cette même optique que j’ai abordé la conception de ce disque. Le disque est une volonté de recréer quelque chose de neuf à partir d’une expérience passée en évitant toute nostalgie. Je voulais faire ces morceaux d’il y a quarante ans mais avec ce que je suis aujourd’hui. Je voulais m’amuser, faire revivre ce projet, faire d’un échec une force, profiter de ce que ce disque n’ait pas été réalisé à l’époque pour en faire une nouvelle création. Bref, l’opposé d’une réédition ou d’un simple témoignage historique. Il reste des racines mais en quarante ans, j’ai voyagé sur d’autres terres que la new-wave des années 80.(Spions sur scène fin des années 70 à Budapest – Droits réservés)
On a l’impression que ce disque tu l’as porté pendant quarante ans, c’est un disque actuel donc ce n’est pas le disque que vous auriez sorti en 1981 ou 82 ?
H.Z. : Non, bien sûr mais si tu écoutes les maquettes initiales tu verras que certains morceaux sont proches et d’autres ont beaucoup évolué. On n’aurait pas fait ce disque il y a quarante ans, comme le côté un peu jazz, à la fin du disque, ou plus expérimental. J’avais fait entre-temps plein de choses dont beaucoup de musiques de traverses. C’est mon sixième disque comme compositeur. J’ai fait cinq albums de musique néo-expérimentale, j’ai participé pendant 10 ans à un label de musique (Trace-Label) où j’ai aussi produit d’autres compositeurs dans le domaine de l’électroacoustique et du minimalisme. J’ai fait des études au conservatoire sur le tard…. J’ai beaucoup bougé musicalement, j’ai essayé de vivre ma vie de musicien par les attirances esthétiques que je ressentais sur le moment et de ne pas se focaliser sur un soi-disant « passé glorieux » en refaisant toujours les mêmes choses. Bouger complique sûrement les plans de carrière…
Pendant toutes ces années, tu étais en contact avec Gregory ?
H.Z. : Pas de manière régulière, mais épisodiquement oui. Je suis allé plusieurs fois le voir à Montréal. On a aussi fait un morceau d’hommage à Claude Arto (le talentueux fondateur et musicien du groupe Mathématiques Modernes, NdlR) au décès de celui-ci. Hommage dont les paroles sont absolument magnifiques.
Quand as-tu décidé de reprendre ce projet ?
H.Z. : Je n’ai jamais vraiment accepté de ne pas avoir réussi à finaliser ce disque à l’époque, même si le projet a toujours connu pas mal de galères ! Les maisons de disques n’en voulaient pas parce qu’il n’était pas en phase avec ce qui marchait à l’époque en France… Le label Dorian était intéressé mais n’a pas concrétisé le projet… Je me suis plutôt mal débrouillé… je n’aurais jamais eu l’idée d’aller par exemple voir certains labels, comme Bondage, dont j’ai su plus tard qu’ils m’appréciaient comme musicien… Claude Picard (Caméléon Record) a voulu ressortir un titre dans un coffret regroupant des inédits de l’époque, mais il y avait eu des soucis avec ce morceau dont des parties avaient été effacées par inadvertance… (rires)
Et donc ?
H.Z. : Pierre Sojdrug (de Pop Superette) m’a contacté par Facebook. C’est un ancien fan des Toys qui nous avait souvent vus sur scène et qui avait aussi assisté aux concerts des Modern Guys, Mathématiques Modernes ou Suicide Roméo. Il démarrait son label. Il venait de sortir un vieux 45t de Jean Pierre Kalfon et des disques de power-pop américains assez pointus. Il a aussi produit les disques de deux excellents jeunes groupes Toulousains : les Boost 3000 et les Fotomatic ou du talentueux musicien Brésilien Irmao Victor. On est rentré ainsi en contact. Je lui ai fait écouter les morceaux. Il était d’accord pour travailler dessus, refaire le disque… Ça m’a redonné l’énergie pour m’y remettre et finir le projet. Pierre s’est beaucoup investi, et a conçu un livret de 12 pages disponible avec la version vinyle. Il a retracé, à partir de plusieurs documents publiés en Hongrie, l’histoire de Spions, et a inclu une longue interview que j’avais faite en 2018 avec Laurent Bigot pour le magazine américain Ugly Things.
Il y a qui d’autre ?
H.Z. : Il y a une personne qui a beaucoup fait pour nous, c’est Yann Le Ker (Modern Guy, Lizzy Mercier Descloux, Lio, Arnold Turboust… NdlR)! Il s’est vraiment investi en tant que musicien et réalisateur sur ce disque. Sans lui, on ne serait pas arrivé à cette qualité. Il a amené des musiciens comme Jean-Paul Bérieu à la batterie, Patrick Loiseau à la basse ou Vincent Guibert aux claviers. De mon côté, j’ai amené d’autres musiciens avec des participations plus ponctuelles (Alain Petit au violon, Christophe Rosenberg au saxophone, Ismael Galvez à la trompette, Rim Ha aux secondes voix féminines, Stanislas Jankoviak aux secondes voix masculines, Frank Lovisolo à la guitare, Nico Morcillo à la guitare bruitiste).
Tu n’as pas joué de la batterie sur le disque ?
H.Z. : Non, je n’avais pas joué de batterie depuis longtemps, je n’ai plus ni la précision ni le son. M’y remettre aurait été un investissement de temps trop important. On a enregistré les bases rythmiques dans un petit studio à Montreuil sur un click et tout le reste : violon, trompette, sax, chœurs, claviers… dans le home-studio de Yann tout comme le travail de production, de mixage et de mastering. Yann a aussi co-arrangé plusieurs des morceaux du disque.
(Hervé Zénouda fin des années 90 – Droits réservés)
Comment avez-vous fait pour enregistrer les voix ?
H.Z. : Ça a été assez compliqué, c’était en plein pendant la crise sanitaire ! Sinon, on aurait fait venir Gregory à Paris et enregistré les voix dans de meilleures conditions. Comme c’est quelqu’un qui vit assez isolé et n’aime pas trop sortir de chez lui, il était inquiet de se retrouver seul en studio à Montréal. Il a acheté un micro et a tout enregistré chez lui sur son ordinateur avec l’aide de sa femme Gina. Il a aussi fallu faire avec son manque de connaissances techniques. Je l’ai dirigé par Skype. Ça a été une galère de plus d’un mois (rires) !
Pourquoi avoir changé de nom de Spions à Mitzpah ?
H.Z. : On n’avait jamais vraiment discuté de savoir sous quel nom devait se faire cette collaboration. Spions, c’est un nom qui a une histoire particulière… avec aussi certains aspects qui étaient source de polémiques entre nous. Peu à peu, quand le projet a pris forme, Grégory a proposé ce nouveau nom qu’il trouvait plus judicieux par rapport à notre travail. J’étais au départ un peu sceptique à ce sujet, mais aujourd’hui je suis très content que l’on ait pris ce joli nom de Mitzpah. Cela rentre aussi dans le fonctionnement de Gregory de changer de nom pour chacun de ses projets (il a ainsi réalisé des performances sous des myriades de pseudonyme comme : Anton Ello, Gregory Davidow, Sergeï Pravda, Aleph, 888, Spiel!…)
(Performance de Gregory Davidow autour de l’album « Lonesome Harvest » (2022))
Ça veut dire quoi ?
H.Z. : (Rires) C’est un mot valise entre deux mots hébreux : Mitzvah qui est une bonne action et Chutzpah qui désigne un homme fier, audacieux, voire arrogant ou désobligeant. En tout cas, c’est un beau nom, un peu énigmatique qui donne une dimension spirituelle au projet. Dimension, par ailleurs, très présente dans le disque. Avec un jeu homophonique avec l’anglais (entre pah et path) j’entends Mitzpah comme la voie des bonnes actions, ce qui me plaît bien… (Rires)
On va parler des textes. C’est un disque avec une dimension mystique très forte. On sent qu’il aime bien la Bible Gregory !
H.Z. : (Rires) Oui, il a vraiment ce côté-là. Il a même fondé sa propre église : « The Atheist Church – The Temple of Nuclear Reincarnation» (comprenant trois membres, je crois…) (rires). Approche qui n’est pas sans rappeler les préoccupations de Genesis P. Orridge (Throbbing Gristle, Psychic TV) pour la magie du chaos avec la création de TOPY (Thee Temple Ov Psychick Youth). Il y a aussi, dans ce disque, le constat de la fin d’une époque, celle de l’underground (née après-guerre avec la Beat Génération et qui finit avec le punk). Dans le morceau « In Andy Warhol’s Factory », Il oppose la venue au pouvoir de Ronald Reagan à la figure d’Andy Warhol, il y a une phrase qui dit que l’underground va être nationalisé. La dimension de « table rase du passé » du Punk donnait une dimension réellement spirituelle à ce moment particulier de la culture populaire.
« Notre dame » (Mitzpah 1981, 2022)
Et pour le côté mystique ?
H.Z. : Il y a un premier élan d’énergie de jeunesse qui veut changer le monde et quand on se confronte à celui-ci, il y a souvent un retour vers soi, vers une transformation intérieure. C’est cet aspect, de retour vers soi après la furie du punk, que montre ce disque, comme un journal intime qui retrace une expérience spirituelle où les perspectives se transforment.
Mais tu représentes la transition entre l’énergie du punk et la new wave plus pop. Ne penses-tu pas plutôt que les textes de Gregory sont les textes de quelqu’un qui a grandi dans les pays de l’Est ?H.Z. : C’est quelqu’un qui était dans une situation d’émigration. Il venait d’un univers avant-gardiste des pays de l’Est et s’est retrouvé à Paris dans un contexte culturel complètement différent. Avec Spions, Gregory développait une théorie de la trahison parce qu’en exil. Il avançait qu’il fallait se couper de ses racines pour se réinventer, être à la fois nulle part et partout chez soi. C’est l’histoire de toutes les diasporas et aujourd’hui la situation de plus en plus de gens dans le monde. Mais on peut aussi trouver cette idée dans les livres du penseur indien Krishnamurti : se « libérer du connu » pour pouvoir mieux appréhender le présent, se libérer de ses carcans culturels, changer les lunettes avec lesquelles on voit le monde. Il y a de ça dans tout son travail mais croisé avec la pop culture. C’est le passage de l’avant-garde culturelle bourgeoise, vers la culture populaire mondialisée qu’est le rock…
Mais votre disque est plus un objet culturel qu’un simple disque, avec par exemple Loulou Picasso pour le graphisme, qui est très beau. C’est le témoignage d’une époque. On est loin du côté adolescent du rock !
H.Z. : C’est un disque adulte oui (rires), un disque qui a un contenu et une histoire ! C’est ce qu’on a essayé de faire : un objet culturel ! Mais quand on dit ça, cela paraît très vite ennuyeux alors qu’il ne faut pas passer à côté des dimensions ludiques et comiques qui ne sont jamais très loin dans les textes de Gregory. Notre défi était de faire un disque qui soit la trace d’une époque passée tout en ayant une dimension actuelle et je pense que l’on a réussi ! Nous n’avons pas essayé de revivre le passé mais le réactualiser celui-ci dans une approche de recréation. Il faut maintenant que ces différents aspects soient lisibles pour le public. C’est à la fois un disque de rock, un témoignage d’une époque, un objet culturel et une recréation !
Qui est sir David O’Clock à qui le disque est dédié ?
H.Z. : C’était un des membres fondateurs de Spions, du nom de László Najmányi, qui s’occupait de la dimension visuelle du collectif (affiches, pochettes, vidéo-clip, scénographie…) et qui est mort il y a deux ans à Budapest. Cette dimension multimédia de Spions était aussi un aspect très novateur pour l’époque.(Grégory Davidow à Paris, début des années 80 – Droits réservés)
On va évoquer le graphisme du disque, qui est très beau, avec un vieux camarade à toi : Loulou Picasso !
H.Z. : Au départ, quand j’étais encore dans les Stinky Toys, j’avais le projet de faire un disque solo avec des paroles de Loulou Picasso (à l’exception d’un titre d’Olivia Clavel). J’avais enregistré deux morceaux pour un label créé par Larry Debay (ancien membre de l’Open Market et ami proche de Marc Zermati) qui a fait faillite avant que le disque sorte (rires). A cette époque, en 1978-1979, on s’est beaucoup vu avec Loulou. Il avait fait la pochette de ce disque qui n’est jamais sorti. C’est mon portrait qui est à la fin du livret de la version vinyle. Pour moi, il y a eu deux grands groupes en France à cette époque : un musical (Marquis de Sade) et un graphique (Bazooka). J’aime beaucoup les Toys, mais ces deux groupes, ou collectifs, sortent vraiment du lot. Bazooka est la quintessence de cette époque, ils étaient vraiment incroyables.
Il y aussi agnès b. qui « sponsorise » le disque ?
H.Z. : Le disque a bénéficié de deux subventions : une du C.N.M. (Centre National de la Musique) et l’autre de la cellule musique de la fondation agnès b. (Beatitude Musique). C’est par Loulou que la connexion s’est faite avec Beatitude Musique. C’est la première fois que j’ai eu des aides financières pour un disque. Mais le fait est que c’est aussi la première fois que j’en demandais… (rires).
Ça va être compliqué de faire un concert « classique » avec ce projet ? C’est un projet artistique global qui mérite plus que ça !
H.Z. : C’est matériellement impossible de faire un concert « classique » ! Soit on n’en fait pas du tout, soit on fait un truc plus décalé. On pourrait faire un semi « playback » avec des musiciens sur scène, d’autres instruments sur support et Gregory à distance en visio-conférence. Il faut trouver la bonne formule pour nous, une forme hybride lui donnant une dimension plus avant-gardiste qu’un simple concert.
Est-ce qu’il y aura un deuxième album ?
H.Z. : (Rires) J’aimerais bien ! J’adore la voix et les paroles de Gregory, mais on attend de voir la réception de celui-ci. J’aimerais continuer parce que ce que je fais à côté est plus dans le champ des musiques expérimentales et hors du rock, et ce fut un grand plaisir de faire ce disque, de retrouver cette approche plus directe avec le son et l’énergie. Ça m’a fait du bien parce que je viens de là. Il faudrait voir aussi si nous sommes capables de faire un nouveau disque plus rapidement que celui-ci (rires)… Parce que ni Gregory ni moi n’avons l’âge d’attendre de nouveau quarante ans.
(Hervé Zénouda dans les années 2000 – Droits réservés)
Peut-on espérer un disque solo punk de Hervé Zénouda ?H.Z. : (Rires) Un nouveau projet sous mon nom serait probablement dans la lignée néo-expérimentale/post-classique de mes premiers disques. S’il y a dans l’avenir un nouveau Mitzpah, en tout cas, il sera plus jazz-punk.
Quatre questions posées à Gregory Davidow par Pierre Sojdrug :
Je crois que tu avais rencontré Yves Adrien ? Que s’est-il passé avec lui ?
Yves Adrien est venu nous voir pour écouter une démo de Spions en juillet 1978, invité par Patrick Zerbib (journaliste du magazine Actuel NdlR). Il n’était pas impressionné par notre image de soldat rouge et notre propagande soviétique. Après dix secondes d’écoute de “Russian Way of Life”, il avait déjà une opinion bien arrêtée. Il a dit que le punk était mort et qu’il vivait dans une pièce vide, avec seulement des stroboscopes et des miroirs, en écoutant “Man Machine” de Kraftwerk. Pendant qu’il en parlait, la cassette s’épuisait et il ne voulait pas la réécouter. Plus tard, Je l’ai croisé quelques fois, mais il m’a fui comme le fantôme du communisme. Sa politique, c’était la danse.
Tu racontes ta rencontre avec Malcom McLaren dans le livret de l’album vinyle… Tu lui as proposé une chanson, je crois bien…
Malcolm McLaren s’est installé à Paris pour échapper aux conséquences de son procès pour l’overdose de Sid Vicious dont il était accusé à tort de l’avoir provoqué. Il a vécu chez Robin Scott, comme moi de temps en temps, donc nous avons partagé les toilettes et les idées. Je lui ai écrit une chanson à sa demande – “Never Trust a Punk” (morceau que l’on retrouve dans le disque « The party » NdlR) – mais il a finalement refusé de l’enregistrer sous des prétextes éthiques. « Je ne peux pas laisser tomber les enfants que j’ai élevés », a t-il argumenté. La trahison n’était pas sa tasse de thé. Vingt ans plus tard, j’ai essayé de contribuer à sa campagne “Malcolm for Mayor”, mais en vain. Maintenant ils ont Sadiq Khan.
(Grégory Davidow à gauche et Jean-Marie Salaun (Spions) avec Malcom Mac Laren à Paris début des années 80- Droits réservés)
Robin Scott a été aussi une rencontre déterminante non ?Robin M. Scott a été engagé par Barclay Records pour dénicher de nouveaux talents à Paris. Spions a été le premier et le seul groupe qu’il a choisi de produire. C’était avant qu’il ne réalise son tube planétaire « Pop Muzik » dans lequel on peut voir une certaine influence de notre travail sans qu’il nous en ait jamais crédité. Robin était une âme fraternelle, profondément fascinée par les mystères de l’espionnage, un domaine dans lequel nous prospérions à l’époque. Nous avions ensemble un grand projet de film appelé “Rise” – celui de Spions en fait – impliquant David Bowie et beaucoup d’autres. Film qui n’a jamais été plus loin que l’étape du script et Spions s’est séparé ensuite.
Comment as-tu été en contact avec les Raincoats ? Que s’est-il passé avec elles ?
J’ai rencontré les Raincoats lors d’un festival d’art à Varsovie en mars 78, où j’étais invité en tant qu’artiste de performance et eux en tant que premier groupe de punk rock en visite en Pologne. Nous avons décidé de faire un concert ensemble, avons appris quelques chansons en un clin d’œil, mais il a été annulé à la dernière minute par la police du pacte. L’alchimie était si forte, cependant, qu’elle a poussé Spions à quitter immédiatement son pays natal pour aller à Londres et travailler ensemble sur un hybride Est/Ouest de revival afterwave. Ce plan a été bloqué par le fait que je suis devenu un étranger en situation irrégulière sans possibilité de quitter Paris pendant des années. Le reste n’est pas de l’histoire.
Le disque sort en trois versions : en CD (avec un livret allégé) (distribué par Modulor (https://www.modulor.tv)), en téléchargement sur toutes les plateformes digitales et en format vinyle 33 tours (avec un livret enrichi) (trouvable sur le site www.123pop.net)
Gonzo Music
MITZPAH « Lonesome Harvest Re-enactment N°1 ( Paris 1981) » Par GBD · 12 MAI 2022
Hervé Zénouda
C’est sans doute une des plus longues histoires du rock : cet album a été démarré en 1981 et achevé en 2022, au lieu de se lancer dans un tel projet Mitzpah aurait pu tout aussi bien choisir d’édifier une cathédrale. Fort heureusement ce sublime CD post new-wave voit enfin le jour avec la publication demain de « Lonesome Harvest: Re-enactment N°1 (Paris 1981) ».
Mitzpah est à tous points de vue un OVNI sonique. Déjà son patronyme né de la contraction des deux mots hébreux « Mitzvah » une prescription puis au sens plus large un acte de bonté et « Chutzpah » qui fait preuve de culot ou d’audace. C’est surtout l’histoire d’une rencontre à l’aube des années 80 entre Hervé Zénouda, emblématique batteur des Stinky Toys et de Mathématiques Modernes et du hongrois Gregory Davidow lequel avec son groupe Spions fut dixit « la première formation punk de l’autre coté du rideau de fer » qui séparait alors l’Europe. Bien trop punk et trop rebelle Gregory expulsé de son pays – à la manière Nina Hagen dont les Allemands de l’Est n’ont plus voulu après tant de provocs- débarque à Paris.
Les Stinky Toys
Les deux punkys se rencontrent dans le Marais et décident de collaborer comme un pont rock entre l’Est et l’Ouest. C’est ainsi que nait l’ambitieux projet Mitzpah. Hélas pour cause de naufrage du label indé qui devait soutenir le projet l’album ne dépassera pas le cap des maquettes. 41 ans plus tard… Hervé Zénouda reprend l’ouvrage à zéro, réenregistrant intégralement ce « Lonesome Harvest: Re-enactment N°1 (Paris 1981) » avec la majeure partie des musiciens de l’époque, dont le vibrant guitariste Yan le Ker, ex-Modern Guy aux cotés de Guillaume Israël puis guitariste de Lizzy Mercier Descloux, qui partage les crédits techniques et la production avec Zenouda comme un troublant voyage dans le temps qui nous ramène à l’aube des 80’s. Et tout démarre avec « Andy Warhol ( Eight Days A Week » avec son petit air de Cure, du Velvet, de Television, de Bowie- of course- revisités avec l’étrange accent anglais de l’Hongrois Gregory Davidow et l’incroyable batterie d’Hervé Zénouda. Sans oublier les sublimes guitares crépusculaires de Yan Le Ker. Super titre boosté par son sax surprenant entre Supertramp « It’s Raining Again » et « Walk on the Wild Side » de Lou Reed qui en font un des hits de cet album souterrain qui surgit enfin à la lumière. Dans la foulée, « Penal Servitude » se révèle tel un funk passé à la chaux vive entre Talking Heads et Iggy Pop, les Feelies et Gang of Four… sans oublier Tom Verlaine et des vocaux troublants aux couleurs d’une nouvelle… nouvelle vague
Spions
C’est avec « Notre Dame » après une délicate intro mélancolique, que la voix rauque de Gregory s’élève tel un Tom Waits de Budapest dont la puissance se révèle empreinte d’une tristesse aussi puissante qu’admirable. En évoquant ce Notre Dame fantomatique dans un brouillard de spleen… Puis « Pardon » s’impose dans son style très très mais vraiment très Velvet Underground, comme un super rock intemporel développant sa lumineuse énergie portée par une troublante et classique mélodie. C’est incontestablement un des titres-pivots de ce joli projet. Avec « The Howling One », climatique et étrange, on songe à Iggy Pop et à nouveau Tom Verlaine n’est pas très éloigné, même si le phrasé est assez proche d’un Leonard Cohen… lequel ne manquait décidément pas de chuzpah. Retour vers le futur de la new wave, « Eden Was A Garden » c’est un peu de Marquis de Sade, un pointe de Nick Drake, sans oublier une bonne rassade du Fleetwood Mac canal historique pour une mélodie entre folk mélancolique et rock délicat qui constitue une superbe composition forcément intemporelle. « The Seveth Trumpet » est un pari gagné sur l’Apocalype, on retrouve d’ailleurs cette même référence dans le « 666 » des Aphrodite’s Child. Tristesse et again influences de la meilleure facture avec au casting Bowie, Lou Reed, David Johansen et David Byrne, New York feeling fin du monde lorsque Gregory chante « Nuclear Ration, end of damnation, salvation… » Dans « The Lost Shepperd » Mitzpah évoque à nouveau un thème biblique…. Décidément… retour à la joyeuse mélancolie où la voix de Greg, épaulée par les vocalises de la choriste Rim Ha, est un folk-blues intemporel mais résolument 60’s et si cool.Gregory Davidow
« The Length Of Life », après sa climatique intro marque le retour à la virulente case Velvet dépouillée et spleenienne et toujours cette incroyable voix d’outre-tombe, tel un Ian Curtis de l’Est pourtant bien vivant. Portée par le sax en background, ce rock fantomatique envoute par son climat entre chien et loup. Et comme son nom l’indique, c’est bien entendu le titre le plus long de l’album. Et pour finir en beauté voici « Sysyphus », le titre le plus court et le plus barré avec son texte et ses vocaux jetés : « Fuck the Judges, fuck the bankers, fuck the clergy/ I’m the lawbreaker/ No more horror, no more terror I’m the unmaker ». Sous sa merveilleuse et pochette signée Kiki Picasso, fort de sa précieuse utopie « Lonesome Harvest Re-enactment N°1 (Paris 1981) » ce joyau perdu puis retrouvé nous séduit de toute son irrésistible anachronisme rock.
MITZPAH « Lonesome Harvest Re-enactment N°1 ( Paris 1981) » publié chez chez Pop Supérette https://www.popsuperette.net/
Muzzart
Mitzpah « Lonesome Harvest: Re-enactment N°1 (Paris 1981) » (Pop Supérette, 13 mai 2022).
Par Will Dum –
18/05/2022
Projet avorté des années 80, initié par Hervé Zénouda (Stinky Toys, Mathématiques Modernes) et Gregory Davidow (Spions), performer et écrivain, expulsé de Budapest par les autorités communistes, Mitzpah revoit le jour par la ténacité du premier nommé qui, avec l’appui du label Pop Supérette, se met en tête, en 2020, de ré-enregistrer l’ensemble des chansons de l’époque avec la plupart des musiciens originaux. L’idée n’est pas que bonne, elle réexhume une série de titres de valeur et remet au goût un disque charnière, au mitan de genres et d’époques (fin de la première vague punk, début d’une nouvelle ère des années 1980.Post-punk d’un côté, esquisses french touch de l’autre) ayant compté, que ses dix titres élégants/sulfureux font reluire de bout en bout. C’est l’album perdu du post-punk français, dixit Pop Supérette; c’est celui que de toute façon, il importait de retrouver. In Andy Warhol’s factory (eight days a week), un brin new-wave, à l’orée du dur et du patiné, orné par le superbe sax de Christophe Rosenberg, fait mouche de suite. Davidow, au chant, fait merveille. Le rendu est stylé, Penal servitude tout autant l’instant suivant. Rock mais aussi racé, marqué par le savoir-faire de ses géniteurs. Notre Dame pose le jeu, majestueux. Pardon suit, bien plus griffu. Et tout aussi éclatant, dans le même temps.
Yann Le Kerr, le troisième larron, se distingue et complète la paire originelle avec aplomb. The howling one, exempt d’empressement, se déroule en se faisant aussi sonique que retenu, prêt à imploser sans toutefois le faire. Mitzpah charme, fait dans le vénéneux bien classieux. Eden was a garden marie les chants, Rim Ha le féminise. Le morceau est minimal, joliment orné, s’appuie sur la répétition de ses textures pour charmer son monde. On prend, volontiers. The seventh trumpet, d’une étoffe toute aussi douce, renvoie ensuite une beauté similaire. Il est à nu ou presque, avant de « gronder » un peu plus sans délaisser ses beaux atours. S’il est globalement posé, ou faussement tranquille, parfois vraiment aussi, Lonesome Harvest: Re-enactment N°1 (Paris 1981) dégage une prestance qui l’emmène vers l’excellence. The lost sheperd ne le malmène pas mais de par son ambiance déliée, sur fond de vocaux à nouveau unis, en renforce l’attrait. Je guette cependant, je l’avoue, la sortie de route. J’en suis friand, en survenant elle porterait l’ouvrage plus haut encore, à mon sens. The lenght of life, au début de nature à annoncer la crue, réitère une trame psyché triturée, avant que le chant émerge.
Celui-ci, encore une fois, insuffle du cachet. Le saxo revient, épars mais marquant. A l’écoute l’album, insidieusement, s’imposera à nous. De par ses climats, de par ses qualités et son identité, son côté historique en sus. Sysyphus, qui le termine en alliant les orientations vocales, à l’exception ou presque de toute autre parure si ce n’est quelques encarts à tendance tribale, semble t-il, le met en exergue pour une ultime salve estimable. On louera pour tout ça Zénouda, Gregory Davidow et Yann Le Ker pour ce travail commun des plus accomplis, de même que leurs nombreux guests aux apparitions notoires. Sans oublier Pop Supérette qui lui aussi, par son esprit et son catalogue, mérite des visites et même, après investigation, l’acquisition de la plupart de ses sorties.
Paris Move
MITZPAH – LONESOME HARVEST
RE-ENACTEMENT n°1 (PARIS 1981) // Label: Pop superette
Hervé Zénouda (Stinky Toys, Mathématiques Modernes) fait figure de vétéran, acteur des presque 50 dernières années de l’histoire de la musique. Hors, c’est en 1981 qu’il rencontre un exilé réfugié polonais, Gregory Davidow, performer, écrivain, musicien, ancien membre des Spions, premier groupe punk du pacte de Varsovie. Ils décident de faire de la musique ensemble et de composer. Ils se baptisent Mitzpah, mélange des mots hébreux mitzvah, qui désigne l’innocence mature du débutant dévoué, et chutzpah qui exprime l’arrogance louche d’un étranger illégal. C’est de vécu qu’il s’agit! Et deux larrons les rejoignent bientôt pour enregister des démos avec eux: Yann Le Ker aux guitares (ex des Modern Guy), et Jean-François Cohen à la basse. Et tout cela aurait disparu sous des tonnes de disques de merde et de sans aucun intérêt musical si un label toulousain, Pop Supérette, n’avait pas pris l’heureuse initiative de reprendre le projet initial et de réenregistrer l’ensemble des morceaux… avec les musiciens originaux! Aujourd’hui nous avons dans nos oreilles le résultat de ce sauvetage miraculeux, et c’est tout simplement incroyable! Non seulement (tous) les morceaux n’ont pas pris une ride, mais ils ont au contraire traversé les âges sans être altérés par la moindre scorie musicale contemporaine. L’atmosphère exprimée aujourd’hui reste totalement fidèle à ce qui se jouait à l’origine de cette formation et qui en faisait un groupe à part, déjà hors cadre et hos normes, le truc incandescent qui brûle tout sur son passage, tel un torrent de lave. Un véritable document historique qui ne trompe personne, malgré le tableau idyllique de la jeune fille souriante aux paniers de fruits! Une promulgation qui prend toute sa valeur aujourd’hui!
Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine (Fr)
PARIS-MOVE, May 23rd 2022
MusicZine
MITZPAH DANS L’USINE D’ANDY WARHOL…
Écrit par Bernard Dagnies
Mitzpah, projet avorté des années 80 avec Hervé Zénouda (Stinky Toys), Gregory Davidow (Spions) et Yann Le Ker (Modern Guy), dévoile un premier morceau de son album, « Lonesome Harvest: Re-enactment N°1 (Paris 1981) » qui paraîtra le 13 mai 2022 ! Paris 1981. La vague punk est passée et une nouvelle décennie s’ouvre. Les Stinky Toys ont splitté depuis deux ans et Hervé ‘le batteur du punk’ Zénouda, dissident des influences 60’s du groupe d’Elli & Jacno, a des ambitions de songwriting et cherche des collaborateurs. Il est un observateur attentif de ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique, à savoir les étranges lumières que Television et ses Jazzmaster tracent dans le Manhattan nocturne comme autant de guides, ou les murs du son à trois accords que percutent les drummings quasi-expérimentaux des Feelies. Il s’apprête d’ailleurs à aller vivre à New York pour deux années. Cet été-là, pourtant, c’est avec un transfuge de l’Est qu’il va former un duo : Gregory Davidow, performer, écrivain, musicien, frontman des Spions, ‘le premier groupe punk du pacte de Varsovie durant l’été de la haine 1977’, qui vient juste d’être expulsé de Budapest par les autorités communistes. Le binôme Est-Ouest s’aventure à une mission post punk —nom de code Mitzpah, ‘un mélange des mots hébreux mitzvah et chutzpah, où le premier décrit l’innocence mature du débutant dévoué et le second l’arrogance louche d’un étranger illégal’ dira Davidow. À Paris, puis à New York, Davidow et Zénouda enregistrent des démos destinées à un label parisien avec l’aide des ex-Modern Guy, Yann Le Ker aux guitares et Jean- François Coen à la basse. Malheureusement le label, sous l’effet des vagues successives, sera très vite englouti dans les mers agitées du show business et Mitzpah, bouteille à mer, dérivera pendant près de 40 ans, avant de resurgir aujourd’hui… Découvrez le clip « In Andy Warhol’s Factory » ici
En 2020, grâce à une co-production du label toulousain Pop Supérette, Hervé Zénouda décide de reprendre ce projet et de réenregistrer l’ensemble des chansons en compagnie de la plupart des musiciens originaux.
‘Un document important dans l’histoire du rock français —fin de la première vague punk, début d’une nouvelle ère des années 1980. Où deux chemins vont s’ouvrir, celui du post punk d’un côté et celui des prémisses de la French Touch de l’autre’ déclare Zénouda.
Pascal Larsen Blog
MITZPAH “Lonesome Harvest: Re-Enactment n°1 (Paris 1981)” (Pop Supérette/Modulor) – 13 mai 2022
Mitzpah (un mélange des mots hébreux mitzvah et chutzpah) est le projet éphémère du français Hervé Zénouda (ex batteur des Stinky Toys, Mathématiques Modernes, Elli & Jacno) et du hongrois Gregory Davidow (ex Spions). En 1979, Hervé (orphelin, suite au split des Stinky Toys) et Gregory (qui vient de débarquer à Paris après avoir été expulsé de Budapest par les autorités communistes), accompagnés de trois musiciens dont l’écrivain Maurice G. Dantec, publient l’EP Spions Inc. 1979-1984 (Dorian/Celluloid) sous le nom de The Party. Au départ Spions est un groupe punk de Budapest qui s’est formé en 1977. Mais la musique punk sous un régime communiste, c’est plus compliqué que d’interpréter des chants patriotiques. Après la publication de Spions Inc., le duo franco hongrois va poursuivre sa collaboration sous l’entité Mitzpah. Ils sont rejoints par le guitariste Yann Le Ker (ex Modern Guy, Lizzy Mercier Descloux, Lio) et le bassiste Jean-François Coen (ex Modern Guy). Nous sommes en 1981, entre Paris et New York (ville où tout bouillonne entre les prémices du rap et la vitalité du funk blanc), des démos voient le jour et sont prêtes à être exploitées, mais au final, elles ne verront jamais le jour à cause d’un label défaillant, jusqu’à aujourd’hui, en mai 2022, soit 41 années plus tard.
En 2020, avec l’aide du label toulousain Pop Supérette, Hervé Zénouda décide de reprendre le projet, de ré-enregistrer les chansons avec la plupart des musiciens originaux. Le résultat est maintenant disponible avec 10 morceaux gravés pour l’éternité, le tout enveloppé dans une magnifique pochette recto/verso signée par une des figures iconique des années “les jeunes gens modernes/un regard moderne”, l’unique Loulou Picasso (qui expose jusqu’au 29 mai 2022 à la galerie du jour agnès b. à Paris). On n’oublie pas au passage de saluer Kiki Picasso. Alors, la musique ? Ça ressemble à quoi ? On est ici dans l’esprit des labels belges, Crammed Discs et Les Disques du Crépuscule, où il y a les artistes/groupes comme Tuxedomoon/Steven Brown/Blaine L. Reininger, Minimal Compact, Karl Biscuit et dans la sensibilité art rock européenne stylé, façon Marquis de Sade, TC Matic, Mecano, mais aussi Television, Pere Ubu, Tom Waits, Lou Reed, Arno. La voix slave, granuleuse et écorchée de Grégory Davidow donne une patine poétique, singulière aux textes écrits en anglais qui raclent sous sa gorge. La musique dégage un certain romantisme, une touche de musique contemporaine, de jazz, sans oublier le rock passé dans un lave-linge qui reste bloqué sur l’essorage. A l’heure où l’Europe a besoin d’être soudée face à son voisin russe, cet album sonne plus européen que n’importe quel participant au concours de l’Eurovision. Bref, la résurrection de cet album est une bénédiction !
https://www.facebook.com/popsuperette/
https://www.popsuperette.net/bundles-mitzpah-pre-order/
https://la-fab.com/evenements/lancement-et-signature-mitzpah-et-loulou-picasso/
Moor's Magazine
Mitzpah : “Lonesome harvest re-enactment no 1: paris 1981”
Hervé Zénouda (Stinky Toys) et Gregor Davidow (Spions) ont brièvement formé un duo à Paris au cours du court été 1981. Ils ont écrit des chansons d’amour mélancoliques avec une touche de power pop. Ils ont appelé leur projet Mitzpah, contraction des mots hébreux mitzvah et chutzpah, qui symbolisent leurs différents caractères – le premier, un innocent débutant enthousiaste, le second, un étranger illégal légèrement arrogant. Leur collaboration est décrite comme une série d’accidents organisés.
Certaines de ces séances de l’après-midi ont été enregistrées par la suite, d’autres ont disparu dans les archives des joyaux oubliés des compositeurs. Aujourd’hui, après quarante ans, ils ont été déterrés, et un album a émergé, que l’on pourrait presque qualifier de magique. Un morceau de temps figé, traduit jusqu’à aujourd’hui, mais quel disque brillant !
Rien que les paroles – prenez le videur Sysyphus – “let’s rock, let’s roll, let’s rock and roll !”. Haha. Mais l’ensemble de l’album est rempli de perles, toutes en anglais, et toutes inclassables. Une musique totalement originale qui me rend très heureux.
Mitzpah – Lonesome Harvest – Re-enactment N°1 : Paris 1981 – Label : Pop superette
Micrologies N°1
David Fenech (AudioBlog)
Leçon de chagrins
Holly Moors (2)
We’ve talked about the French genius Hervé Zénouda before. In addition to the adventurous avant-garde music we have already heard before, the man appears to be able to write very accessible film music as well. Lecons de Chagrin… Cours de Joie de Vivre, especially because of Elisa Point’s typically French whisperings, reminds us at first of the sultry lounge-swing of “Je t’aime moi non plus”, but if you listen a little more carefully, the amazement and astonishment increase every turn. It has become a pretty intimate album, especially because of Elisa Point’s vocals, but Zénouda manages to give the music a disturbing undertone with his arrangements. Just listen to De la rue à l’escalier in which Point’s voice is accompanied by strange, gently rattling percussion. Later on, a simple, sparse piano is added that reinforces the feeling of intimacy and loneliness. In other songs the same sad voice of Point is compulsorily chased by percussion and xylophone, or hypnotizingly beautiful strings play. Actually, an impressive effect is always achieved with minimal means, while the richness of details and the layeredness are only noticed after a few turns. An absolute must of a record.
Demain dès l'Aube
Rec Rec
Octopus
Le parcours d’Hervé Zenouda demeure un tantinet énigmatique : de la pop acidulée à la new wave, du punk à l’expérimentation, de la bande-son au minimalisme… A l’instar de son auteur, Demain, dès l’aube… possède cette affectueuse bougeotte stylistique, navigant entre bruit et harmonie, entre Fred Frith et Satie.
Batteur, percussionniste et compositeur autodidacte, Hervé Zenouda a gravité autour de la scène punk et new-wave française (Stinky Toys, Mathématiques Modernes, Modern Guy, Ramuntcho Matta…), puis composé des musiques pour des courts-métrages ou des CD-Rom, avant de publier en 1999 un premier album sous son nom, Vies secondes. Une évocation simple et douce, sur des petits moments de la vie où semblent parfois poindre une tension, une colère contenue, une émotion dissimulée.
Pour Demain, dès l’aube, la jaquette donne le ton : photos sépia aux décors légèrement surannés. Ce que le disque donne à entendre ? Musique de chambre ? Musique lorgnant vers les figures néoclassiques ? Les musiciens (Frédérique Autret, Olivier Brisson, Alain et Thomas Petit…) imprègnent les compositions de leur technique d’interprétation, abordant ainsi une extrême variété de styles musicaux. Si dans le premier opus, l’auteur alliait acoustique et informatique, dans celui-ci, les machines ont fait place aux musiciens qui alternent pièces écrites et improvisation. Les compositions, même les plus construites, n’échappent pas aux facéties bruitistes de Guillaume Loizillon qui ponctuent de manière futée certains des 13 morceaux ! Se distinguent de belles formules au piano et une délicate utilisation du zarb. Sax soprano, guitare préparée (un peu à la Fred Frith) et électrique, batterie, piano (qui emprunte parfois à Debussy ou Satie) se combinent et tourbillonnent plutôt énergiquement. Sautillantes, mystérieuses, les mélodies sont teintées d’une légère nostalgie. Et si le timbre est contrasté, la cohérence doucereuse de l’ensemble demeure.
Demain, dès l’aube (augmenté d’une partie CD-Rom qui propose une série de vidéos tournées pendant l’enregistrement) fait un peu penser à ce tableau de Magritte où la lumière du réverbère éclaire encore la rue quand le jour n’est pas tout à fait levé ; un temps intermédiaire…
Traverse
Avec ce deuxième album, Demain, dès l’aube…, Hervé ZÉNOUDA change radicalement de direction pour amorcer un virage dans l’improvisation, tout en conservant une bonne part de compositions.
Entouré d’une dizaine de musiciens (parmi lesquels Guillaume LOIZILLON qui fait une apparition au piano solo), Hervé ZÉNOUDA explore de nouveaux paysages musicaux avec une habileté surprenante. Ainsi cohabitent des musiques qu’on pourrait croire parfaitement opposées : compositions avec improvisations aventureuses, duos de pianos sages et mélodieux (après une improvisation complètement déjantée entre un sax alto, une guitare électrique et une batterie, survient sans prévenir un duo de pianos sur lequel se défoule un zarb), duo de batterie angoissant et grinçant, échanges de mots entre guitare électrique, batterie, piano, violon ou sax alto aux accents étranges et déphasants (le deuxième morceau de l’album, Tout ou rien, porte à cet égard très bien son nom), utilisation de percussions MIDI et de «bruits» accentuant le côté mystérieux. Les ambiances sont surprenantes et inattendues, variant entre angoisse et apaisement, et donnent l’impression parfois qu’elles ont été faites pour un film.
La partie CD audio est complétée comme pour le premier album (Vies secondes) par une partie vidéo lisible sur ordinateur, contenant quatre films représentant plutôt bien les différentes formes musicales abordées dans l’ensemble des morceaux de ce disque.
Un album indispensable pour ceux qui n’ont pas froid aux oreilles. Pour les autres, ils pourront toujours écouter la superbe suite pour deux pianos, baptisée très justement Le Temps des métamorphoses.
David Fenech (AudioBlog)
C’est Ghédalia Tazartès qui m’a fait découvrir la musique de Hervé Zénouda, que je ne connaissais pas il y a deux semaines. J’ai écouté deux de ses CDs sur Trace Label, Vies Secondes et surtout Demain, dès l’aube (que j’aime beaucoup). Sa musique est impressioniste et aventureuse, avec de très subtiles mélodies qui ne se révèlent pas à la première écoute. Le genre de disque que l’on aime ré-écouter, qui peut parfois évoquer l’album Speechless de Fred Frith, parfois Moondog aussi. Comment suis je passé à côté ? Je me pose la question parce que Hervé Zénouda est loin d’être un inconnu : il a tout de même joué avec Mathématiques Modernes, les Stinky Toys, Elli & Jacno, J.F Coen, Lio et Ramuntcho Matta (entre autres). Pas de mp3 en écoute , mais des extraits sur ses pages en flash.
Vies Secondes
Octopus
« C’est une évocation simple et douce, pastel, comme une caresse sur les choses, sur les petits moments de la vie où semble poindre parfois une tension, une colère contenue. Sautillantes, mystérieuses, ludiques, nostalgiques aussi, les compositions d’Hervé Zénouda, alliant l’informatique et l’acoustique, ont les textures propres au piano les cours de musique de l’enfance, la poussière qui se déposait sur le clavier de ne pas assez y travailler les gammes ; les textures propres aux instruments à cordes et à vent – musique de chambre, néoclassique comme dans un film de Peter Greenaway; les textures propres aux percussions – syncopées, trotte-menu et berçantes parfois. Le maître d’œuvre a participé à partir de la fin des années 70 à la scène punk française à travers les Stinky Toys, dont il était le batteur, ainsi qu’à la vague new-wave (Mathématiques Modernes, Modern Guy, Elie et Jacno, etc.). Après des expériences diverses qui l’ont vu s’investir dans les médias interactifs ainsi que dans des univers musicaux variés (électroacoustique, musiques de courts métrages et de CD-Rom, musiques pour enfants…), Vies Secondes est son premier disque consacré entièrement à la musique et le résultat de ce parcours zigzaguant et singulier. » S. H., Octopus
Rec Rec
A fine collection of pieces that mixes samples and midi with played chamber instruments – eg 5 trombones – strings and winds – acoustic guitar and violin – virtual percussion – 2 pianos – electric guitar quartet. Interesting compositions, well presented.
Impro Jazz
Dès l’introduction de “Vies secondes”, on se replonge dans cet univers, avec le violon d’Alain Petit sur “Jour de colère” (titre qui collerait très bien à un film, non ?). Le tango décalé qui suit (piano de Frédérique Rosenfeld) possède un caractère ériksatien, puis l’auteur de ce disque s’exprime dans “Homothétie” par le biais de percussions samplées malheureusement peu convaincantes. J’accroche plus volontiers à “Rebonds”, pour cinq trombones programmés par Hervé Zenouda, ou pour le quatuor de guitares électriques, toutes jouées par Pierre Pouget. Ce disque doit, pour mieux s’apprécier, être écouté avec une projection graphique vidéo (incluse), si l’on se réfère au livret (magnifique). Traitements sonores, parfois décousus, qui nécessitent un effort d’écoute mais qui séduisent par bien des aspects.
Traverse
Vies secondes a beau être le premier disque sorti sous son nom, Hervé ZÉNOUDA n’en n’est pourtant pas à ses débuts. Il y a une vingtaine d’années, déjà, la scène punk s’implantait en France avec notamment JACNO et ses STINKY TOYS, dont Hervé ZÉNOUDA était le batteur ; puis arriva la vague new-wave : là encore, on retrouve Hervé dans MATHÉMATIQUES MODERNES, MODERN GUY et avec ELLI & JACNO. Puis, plus rien… Hervé ZÉNOUDA n’a pas abandonné la musique pour autant. Il se consacre à diverses expériences, dans le domaine de l’électroacoustique, les musiques de courts métrages, les musiques pour enfants ainsi que les médias interactifs. Vie secondes est l’aboutissement de cette carrière et marque le retour à des valeurs instrumentales acoustiques (violon, piano, tuba, clarinettes, percus, trombones), mises en opposition avec quelques apparitions de guitares électriques, et surtout avec l’univers de l’informatique et des programmations, qui aboutissent à une ” musique de chambre moderne “. Les compositions, diversifiées, denses et savamment orchestrées (Jour de colère, pour cordes et vents ; L’enfance, pour deux pianos ; Rebonds pour cinq trombones ; Mystère de la fleur d’or, pour quatuor de guitares électriques…) évoquent joliment la vie telle que la voient en rêve les enfants : intemporelle, parfois floue et mystérieuse, pleine de petites histoires à rebondissements qui finissent toujours bien. Et, comme les enfants s’inventent souvent des peurs, c’est avec Homothétie pour percussions samplées que Hervé ZÉNOUDA nous fait revivre ces instants de rêves effrayants ; ce morceau contraste en effet avec toute la beauté de l’ensemble du disque, semblant sortir tout droit d’un cauchemar, mais qui laisse heureusement vite place à une charmante promenade à 17 h, place Dauphine pour cordes, vents et percussions.
Ce CD possède aussi des vertus hallucinatoires, puisqu’il contient une partie CD-Rom où l’on peut voir une ” animatique ” qui est loin de résoudre Le mystère de la fleur d’or, ainsi qu’un superbe vidéo-clip sur le morceau Vanités (pour guitares électriques, basse, clarinette, claviers et batterie) fourmillant de soleil, d’arbres, de gros plans sur les feuilles, les fleurs… sur la vie quoi ! C’est joli et naïf, à l’image de la musique. Des ” vies secondes ” comme on aimerait en rêver encore…
Prognosis
How do the French continually produce musicians and music like this? Not that I am complaining as Zenouda falls into the category of Rene Aubry and Henry Torgue, both highly innovative and at times unclassifiable artists in their own right, and some of my personal favorites. Mix in a bit of ?Rock In Opposition? to the usual French eccentricity and you have an amazing work that has sadly disappeared almost as soon as it was released, which is too bad as the Digipack is beautifully presented making this a future collectable for sure. Very nice.
Hervé Zénouda
Stinky Toys_ BuzzOnWeb
les stinky toys, pour la sortie d’un 45t inédit, hervé zénouda raconte le groupe.
Par Franco Onweb
Au printemps derniers, au cours d’une interview sur son superbe album, « Mitzpah », Hervé Zénouda, l’ancien batteur des Stinky Toys m’annonçait que le label toulousain Pop Supérette allait sortir dans le courant de l’année un 45t trois titres de son ancien groupe. La nouvelle avait fait l’effet d’une bombe et Hervé m’avait promis de m’accorder une interview sur son ancien groupe. C’est à l’occasion du crowdfunding pour la sortie de ce disque que j’ai pu discuter avec lui des Stinky Toys.
Pour présenter le groupe on dira juste que les Stinky Toys sont, peut-être, un des groupes français les plus importants qui aient existé. Né en juillet 1976, le groupe se vit coller une étiquette punk, qu’ils leur colla à la peau bien malgré eux. Ils furent les premiers à faire un pont entre le rock anglo-saxon (Rolling Stones, Who…) et la variété française (Françoise Hardy, Jacques Dutronc…) avec une assurance … tranquille. Malgré les talents individuels (Jacno, Elli Medeiros, Hervé Zénouda, Bruno Caronne et Albin Deriat) et une presse dithyrambique le groupe jeta l’éponge suite à un manque de succès.
Les morceaux de ce 45t sont issus des maquettes du deuxième album. Elles ont été enregistrées au début de l’année 1979. Ce sont les enregistrements d’un groupe qui est au sommet de son art et qui prépare un deuxième album qui fera date dans l’histoire de la musique d’ici. Précipitez vous sur ce, déjà, collector en suivant le lien : https://fr.ulule.com/stinkytoys45-popsup. Le label tient à préciser qu’en plus du disque, vous pourrez acquérir des badges, des photos ou encore des sérigraphies du groupe. Précipitez-vous : il n’y en aura pas pour tout le monde puisque le 45t est limité à 300 exemplaires.
Comment sont nés les Stinky Toys ?
Le groupe s’est formé en 1976 pour un concert à la Pizzeria du Marais le 4 juillet 1976. L’histoire c’est après que Denis (Jacno, NdlR) se soit fait viré du lycée Charlemagne, Il a fondé les Bloodsuckers avec Pierre Meige. Ensuite il a fait un duo avec Elodie Lauten. Il jouait de la batterie à l’époque. Après quelques concerts, il s’est mis à la guitare et le duo s’est vu augmenté par les frères Boulangers (Futurs Herman Schwartz et Pat Lüger de Métal Urbain, NdlR), un violoniste électrique new yorkais Boris Gladstone et moi à la batterie. Ensuite, Denis a fait une maquette avec Elli (Medeiros, NdlR) de trois ou quatre morceaux. A ce moment-là, je jouais dans un groupe qui s’appelait Loose Heart avec Pascal Regoli (bassiste d’Angel Face) et Pierre Goddard (futur 1984 et Suicide Romeo) à la guitare et au chant. On a cherché à faire un concert et on a trouvé la pizzeria du Marais. Il devait y avoir Angel Face, les Stinky Toys et Loose Heart. Mais ce dernier groupe s’est dissous la veille du concert. Les autres groupes ont joué. Les Stinky Toys sont vraiment nés ce soir-là puisqu’avant c’étaient juste des maquettes.
(Les Stinky Toys, de gauche à droite Elli Médeiros, Jacno, Hervé Zénouda, Bruno Carone et Albin Dériat – Droits réservés)
Il y avait qui dans le groupe ?
Albin Dériat, qui était aussi à Charlemagne. C’était le voisin et l’ami d’enfance de Denis. Il a pris la basse. Bruno, qui est le fils du photographe Walter Carone, à la guitare. C’est Pierre Benain (journaliste et organisateur de concerts, NDLR) qui nous a mis en contact avec lui. J’étais à la batterie, Denis à la guitare et Elli au chant. On a répété quelques jours avant et on a fait ce concert.
Etiez vous des punks ?
Ça dépend de ce que tu appelles punk… C’est un esprit ? un style musical ? une énergie ? Si tu prends des groupes comme les Ramones et Television par exemple, ils n’ont pas vraiment de points communs, pourtant ils font partis de la même scène et identifiés comme punks. De toute façon Denis détestait les étiquettes…. On avait sûrement l’attitude et l’énergie punk mais pas trop la musique. Denis adorait les Who et Albin les Stones. Les Toys du début étaient plutôt dans cette lignée là avec des tempi accélérés mais aussi avec des références françaises comme Dutronc et Hardy que Denis adorait. De son côté, Elli avait une référence très forte aux années soixante, notamment dans ses dessins et son look vestimentaire.
Il y a eu un festival à Laborde, un hôpital psychiatrique ?
Oui, durant l’été 1976, c’était assez marrant comme truc. C’était Félix Guattari qui tenait cet hôpital dans un château du côté de Blois. C’était l’époque de l’anti-psychiatrie et tout y était très permissif. Il y a eu un festival de musique pendant une semaine. Les patients se promenaient seuls un peu partout et il était difficile de différencier patients, soignants, musiciens et public extérieur. Il y avait aussi Jean Pierre Kalfon qui y jouait et qui, suite à certains excès, est resté une bonne semaine de plus (rires). Ensuite les choses se sont goupillées assez vite.
Le 21 septembre 1976, vous jouez au premier festival punk de Londres ?
C’est un concours de circonstances ! Elli aurait croisé Mac Laren, dans la rue, il y aurait aussi Pierre Benain qui lui aurait passé notre cassette. Ce concert au Club 100 était important. Il y avait tout le monde : Clash, Sex Pistols, Damned, Siouxie, Subway Sect … Bon, le concert ne s’est pas forcément bien passé mais il a donné un éclairage sur le groupe, surtout qu’Elli a fait la couverture du Melody Maker.
Suite à ça vous allez beaucoup jouer ?
Oui, plusieurs concerts, mais les Toys n’ont jamais été un groupe de tournée, on avait pas vraiment de manager et il n’y avait pas à l’époque le réseaux alternatif qui s’est structuré ensuite avec la seconde vague punk française des années 90 (les Béruriers noirs, la Mano negra…)
Vous avez permis à une scène d’apparaître ?
Je n’en suis pas sûr ! C’est surtout les personnalités de Denis et d’Elli qui étaient un couple très charismatique, très beaux et avec une forte personnalité, qui ont fait que les médias se sont intéressés à nous. On est devenu les figures de proue de cette mode punk parce qu’on peut vraiment parler de mode à l’époque. Mais étions-nous punks ? C’était sûrement plus vendable pour les maisons de disques. A part pour les Modern Guys, dont le chanteur Guillaume Israël était proche du groupe, à qui on a pu servir de tremplin mais pour les autres non, je ne vois pas. Pour moi, il y a eu cette vague punk qui était un phénomène de société et dès que l’on parlait de la France, c’était ce couple qui était mis en avant mais à part les Modern Guy, je ne vois pas de groupes que nous aurions influencé.
Et là vous signez sur une maison de disques importante?
En raison de cette mode, beaucoup de maisons de disque nous tournaient autour. Tu connais l’histoire avec Kraftwerk ?
Bien sûr mais raconte, c’est drôle !
Il y avait RCA qui nous avait invité au lancement de l’album Trans Europe Express de Kraftwerk et c’était un gros évènement. Ils avaient loué un train pour les journalistes avec la musique du groupe qui passait et ils amenaient tout le monde à Reims en servant un grand dîner dans le wagon. On a un peu abusé, enfin eux… moi j’ai toujours été un garçon sage (rires). On a mis un peu la pagaille en buvant trop et Elli a vomi sur le sol dans la salle de réception : ça a fait un scandale (rires) et ça a stoppé net les négociations (rires). Les gens de Kraftwerk rigolaient, ils étaient très cool. Finalement on a signé avec Polydor.
Et là c’est le premier album ?
Oui, avec Patrick Chevallot, un grand ingénieur du son à Ferber. On a tout fait en une semaine. C’est un très bon souvenir cet enregistrement : le studio était magnifique et il y a eu une vraie rencontre avec Patrick. Il a continué à travailler avec Denis pendant pas mal de temps après. Le son est un peu « roots » mais ça sonne bien.
Pourquoi tu n’es pas sur la pochette du premier 45t ?
Parce qu’au départ j’étais surtout engagé dans Loose Heart et j’ai joué avec les Toys parce c’étaient des amis et qu’ils avaient besoin d’un batteur. Quand Loose Heart s’est arrêté j’ai, quelques temps plus tard, rejoint officiellement les Toys !
Les retours étaient bons ?
On a eu de la presse mais le groupe ne faisait pas vraiment l’unanimité musicalement ! Peut-être à cause du fait que nous n’étions pas totalement punk, peut-être trop grand public pour les rockeurs et trop punk pour ce fameux grand public.
Vous avez beaucoup joué suite à ce disque ?
Oui, on a fait sept concerts en Angleterre mais moins remarqué que le 100 Club, on a fait une petite tournée dans le sud sous un chapiteau, beaucoup de salles à Paris comme le Palace ou l’Olympia. On a ensuite voulu faire un deuxième disque et Polydor nous a demandé de faire des maquettes pour ce futur album.
Et c’est là que vous allez enregistrer ces trois titres qui sont aujourd’hui rééditées ?
Oui, on a enregistré dans le studio de maquette de Polydor rue Cavallotti, derrière la place de Clichy. Ça s’est déroulé au début de l’année 1979. Ils ont refusé les maquettes et on a quitté Polydor comme ça.
(Pochette du 45t édité chez Pop Supérette – Droits réservés)
Tu en dirais quoi de ces maquettes ?
Pour moi, ces maquettes ont une valeur historique pour ceux qui s’intéresse au Toys ou plus généralement au rock français de cette époque. Il montre l’évolution du groupe vers plus de maturité musicale. Si le premier album est ancré dans cette filiation Stones/Who, le deuxième album propose une voie plus originale qui allie cette double filiation anglo-saxone (ici plus dans une ligne claire new-wave à la Television ou B-52) et les références françaises (Françoise Hardy principalement dont nous avions repris la chanson Je veux qu’il revienne) voir aussi l’influence de Nino Rota. Le tout a donné un disque particulièrement original il me semble. Il y eu aussi un élan plus démocratique avec des morceaux amenés par chacun des musiciens.
Dans ce disque (et donc déjà dans ces maquettes) on peut entendre les Toys comme groupe avec l’apport de chacun comme les guitares de Bruno Carone très riches harmoniquement et l’excellence de la basse d’Albin Deriat. Souvent les maquettes ont un charme que l’on ne retrouve pas dans la production finale et ici, cela me semble être le cas. Le son est plus brut et abrasif. De ce point de vue, il faut souligner l’excellent travail de mastering de Pierre Sojdrug de Pop Supérette. C’est aussi dans cette période qu’Elli a trouvé sa voix. Son chant avait été souvent critiqué sur le premier album et l’évolution de son chant sur le deuxième disque est assez remarquable. Jusque dans ses disques solos plus récents, on retrouve cette manière de chanter que je dirais héroïque initiée à cette époque (particulièrement dans « Beauty and pride »)
Vous ouvrez aussi votre son avec l’arrivée du saxophone de Daniel Brunetti ?
Oui, c’est un son plus clair, plus proche des Talking Heads ou Televison qui sont des références importantes pour moi. On a tous composé un morceau pour ce disque. Bruno avait déjà composé un morceau sur le premier, il en fait un deuxième le deuxième album, Albin et moi aussi. On est plus posé, avec des variations plus importantes et il y a Daniel Brunetti qui vient jouer du sax sur quelques morceaux. Michel Bellocq (de Suicide Roméo) joue aussi de la guitare sur un morceau. Tout de suite après l’enregistrement, Albin a quitté le groupe pour continuer ses études de mathématiques. C’est pour ça qu’il n’est pas présent sur les photos de promo du deuxième album. Jean Paul Rouard (fondateur de Warm gun et chanteur bassiste d’Artefact) nous a rejoint. On a fait quelques concerts et on s’est arrêtés !
Comment s’est passée la séparation ?
Il n’y a pas eu une réunion de séparation (rires), ça s’est passé naturellement. Ça ne marchait pas assez. Denis a fait son album solo chez Dorian, « Rectangle » qui a eu du succès. On aurait pu imaginer deux carrières en parallèle mais Denis ne l’a pas vu comme cela, pour lui un groupe ça ne le faisait pas ou en tous cas plus… La fin des Toys, c’est l’histoire d’un groupe qui ne marche pas et un disque solo qui marche !
Ça ne marchait pas les Stinky Toys ?
On a toujours eu une presse incroyable mais on ne vendait que très peu de disques. On n’avait pas de manager, on faisait peu de concerts… bref ça ne prenait pas ! Je me souviens d’un rendez-vous avec Denis chez un mec du business et il était bluffé par notre press-book. On avait vraiment beaucoup de presse dans de gros journaux nationaux. Ce mec n’en revenait pas qu’avec tout ça, les maisons de disques n’en avaient pas fait quelque chose de plus construit…
Mais c’est ce qui a clôturé les Stinky Toys ?
Pour moi, ce qui a clôturé le groupe c’est le succès de « Rectangle » de Denis.
On a l’impression que le groupe est plus célèbre aujourd’hui que lorsqu’il existait ?
(Rires) C’est le relevé médiatique qui reste ainsi que la dimension historique. Mais si le groupe est plus connu aujourd’hui, c’est aussi bien sûr parce qu’il bénéficie du succès ultérieur de certains de ses membres…
Tu as sorti le très beau disque de Mitzpah au printemps, n’était- ce pas la manière pour toi de clôturer cette époque ?
Bien sûr, le groupe se disloquait et il me fallait une nouvelle étape. J’étais un peu connu comme batteur mais j’étais toujours porteur de projets personnels et l’étape suivante était de sortir un disque autour de mes compositions. Il y a eu ma rencontre avec Grégory Davidow (chanteur du groupe Spions et de Mitzpah NdlR ) qui a permis d’avancer mais on n’a pas réussi à concrétiser à l’époque et il aura fallu plus de quarante ans pour sortir le disque.
Mais Mitzpah est le disque dans l’esprit de la continuité des Stinky Toys ?
Peut-être, mais ce n’est pas conscient chez moi je ne m’en rends pas vraiment compte. Je dirais éventuellement au niveau de l’esprit. J’ai découvert très tôt grâce à Michel Esteban (producteur et fondateur de ZE Records NdlR ) qui ramenait des cassettes de New York, vers 1975, Television et les Talking Heads, qui m’ont beaucoup marqué. Le disque de Mitzpah est d’ailleurs dédié à Tom Verlaine (chanteur et leader de Television, NdlR). Avec ses guitares claires et cette production, le disque de Mitzpah est, peut-être, dans la continuité de son travail que l’on retrouve d’une autre manière dans le deuxième album des Toys mais aussi de manière plus marquée dans les albums de Marquis de Sade à Rennes. L’apport des Toys est là, en acceptant les influences françaises et européennes et pas forcément qu’Anglo-Saxonnes. Cette liberté de ton et d’attitude que Denis et Elli avaient. Mitzpah a aussi cette liberté, une manière de faire de la musique en France en assumant notre héritage. Après les Toys il y a eu Rita Mitsouko qui ont aussi brillamment assumé tout ça.
(Pochette de l’album de Mitzpah- graphisme Loulou Picasso)
Tu as quel regard sur les Stinky Toys maintenant ?
Le même qu’à l’époque : au début j’avais une position à part, je n’adhérais pas totalement au projet et étais critique sur le premier album mais j’aime beaucoup le second album, et suis particulièrement fier d’y avoir participé. Au point de vue humain je ne regrette rien : on était jeunes, c’était vraiment marrant. On a fait quelques concerts marquants dont le Club 100 et le mariage de Loulou de La Falaise. On a joué au Palace, à l’Olympia et au Rose Bonbon. On a fait un concert à Rennes qui reste dans les mémoires (le 20 décembre 1979 à la salle de la Citée avec Marquis de Sade et Etienne Daho à l’organisation, Ndlr). Nous étions des amis, une vraie histoire d’amour…. Dans quelques interviews, Elli disait que les Toys était une de ses plus belles histoires d’amour, notre adolescence. Elli a dit aussi qu’elle avait souffert de la séparation du groupe, de même pour moi…
Tu verrais qui comme héritiers des Stinky Toys ?
Je n’en vois pas particulièrement, même si Etienne Daho a toujours dit qu’il était fan du groupe, je ne crois pas qu’on entende cette influence dans sa musique. Peut-être quelques réminiscences musicales dans le jeune groupe Toulousain Fotomatic produit par Pop-Supérette… Comme dit plus haut, les Modern Guy avaient aussi cet esprit… Tout a été précisé après dans le travail de Denis avec ce qu’il a fait avec Elli ou Lio.
Tu as des regrets ?
Je trouve que la production du second album ne met pas vraiment en valeur la qualité des morceaux, d’où l’intérêt de la sortie de ce 45 tours. Cet album est un bon disque qui aurait pu être un grand disque. Maintenant, j’ai de beaux souvenirs de concerts notamment un au Rose Bonbon après le deuxième album où tout était parfait. Un groupe ça grandit et un jour ça trouve sa maturité, c’est pourquoi ces maquettes ré-éditées par Pop-Supérette sont importantes pour moi : on est vraiment un groupe dessus. Bien sûr que les Stinky Toys sont le projet de Denis et Elli et parfaitement porté par eux. Sans eux, pas de groupe, mais l’identité sonore des Toys est le fruit de chacun de ses membres. L’apport important de Bruno Carone qui était un excellent guitariste ainsi que celui d’Albin était lui aussi un très bon musicien ou encore mon jeu de batterie assez particulier. Je trouve que le mastering de Pierre rend justice à chacun et met en valeur l’énergie et la maturité du groupe. C’est pour ça que pour moi il était important que ces maquettes aient une existence publique. Je les ai proposés à Pierre pour ça, montrer le moment où un groupe trouve son identité. Tout le monde est en place et Elli chante vraiment bien.
Pas de regrets alors ?
On a tous une certaine nostalgie de sa jeunesse… Si c’est vrai face à des photos, c’est encore plus intense à l’écoute de musiques dans lesquelles on joue. Et Il m’arrive, de temps à autre, d’essayer d’imager à quoi aurait pu ressembler le troisième et le quatrième album des Toys…
Holly Moors
The adventurous music of Hervé Zénouda
The avant-garde of today
Musical searches are sometimes very surprising. We have a weak spot for the music of Moondog and because of that we found an Hommage, made by some Frenchmen. One of the names that stood out on this album was Hervé Zénouda, and his solo records turn out to be real pearls. That is, if you like adventurous music.
Zénouda’s music is hard to categorize. He’s a self-willed ‘einzelgänger’ (?) like Moondog or Ron Geesin. I think we simply have the avant-garde of today here. When you play one of his cd’s you hear piano, violins, trombones, electric guitars, percussion, clarinets and electronics. The piano and violin often sound classical, while the percussionist uses very unusual rhythms. The electronics are hard to describe, but always exciting. The results are surprisingly beautiful and exciting, with sounds and combinations that are really new.
The compositions are very rhythmical, but just like Moondog, the melody is always near. We can hear influences of the great electronic pioneers like Pierre Henri, Varèse, Subotnick, Stockhausen and Boucourechliev, but Zénouda makes his definite own music and combines classical music with these electronic avantgardists. Serious modern music, but laughing is allowed. And it’s more than just an ingenious adventure, the music is also touching and severely moving. Music for head and heart.
Besides the regular albums we found a simple envelope in the mail, containing a cd with “Notes and fragments”. It’s only half an hour of sketches and try-outs, but when you listen to them you are sitting on the edge of your chair for half an hour. If all of Zénouda’s notes and fragments are this good, we are dealing with a real oldfashioned musical genius.